Mwa mé ...

Mwa mé ...

« Je suis cette zone de contact entre le contour de la forme et l'autour qui constitue l'espace où s'exprime la forme. Je suis cet espace de frictions, de tensions, de douceurs, de fusions, de chocs et d'éloignements qui donne à l'œuvre sa dimension poétique. Je suis un concentré du monde où résonnent tant de mondes, de cultures, d'histoires et d'affects : une unité hétérogène de la singularité, une expression plurielle du multiple dans un monde en perpétuelle mutation ».
(Goodÿ - Gilles EUGENE)

 

Quel que soit le sujet que j’aborde : la Cité, dans mes premières expositions comme « Multiple-Pluriel » en 2001 et « Urbanis » en 2002, ou l’Individu social dans « Distension » en 2006, le principe reste le même dans la réalisation de l’œuvre. Dans tous les cas, une réflexion et une recherche servent de support à ma création. Des recherches dans tous les domaines : philosophiques, sociologiques ou autres. La géométrie récurrente dans les œuvres de cette époque traduisait en somme une rigueur relative. Un lien permanent entre le monde du vivant, du spirituel et de l’intellectuel. Elle venait à moi comme une évidence du fait de mon cursus scientifique et des sujets ou des thèmes étudiés, et traduisait aussi une sorte d’enfermement par des cloisons plus ou moins perméables de ces différentes sphères de notre réalité. En étudiant la cité, la vie en ville, j’entrevoyais une réalité de plus en plus forte et pleine d’enseignements avec ses ravages et ses avantages. Une vie sociale et patrimoniale où le public et le privé se mêlent, l’amour et la haine se côtoient, l’émancipation des uns au détriment des autres s’opère. Je tentais alors de traiter des divergences d’opinion, des juxtapositions, des distances, des approximations, des précisions, de la rigueur et de la désinvolture dans le monde, l’univers, la vie et l’esprit. Le tout étant uni par l’Homme, l’animal, ou plus largement par la matière dite vivante. Un équilibre permanent qui, à tout moment, peut être troublé par la tension ou l’expansion de tout ou partie. Je trouvais mon salut dans l’abstraction où seule la couleur devait me permettre d’exprimer ou de créer des émotions et des sensations. J’ai d’abord exprimé la ville, ses murs. Puis, au fur et à mesure, j’ai commencé à faire ce que j’appelle de « l’archéologie sociale ». C'est-à-dire un travail de mise en évidence de l’interaction entre la Cité et les Hommes dans leur espace de vie en étudiant leurs histoires ensuite en les mettant en peinture ; je suis donc rentré ainsi progressivement dans l’humain qui vit en ville. Le sujet devenait alors un prétexte résumé à sa plus simple expression dans la représentation, où l’accent était mis sur ce que faisait le sujet plutôt que sur le sujet qui fait quelque chose. Dans l’exposition « Multiple-Pluriel », justement, ma préoccupation s’était axée sur l’impact de la ville sur nous-mêmes et surtout sur une question qui se posait à moi : comment exprimer la somme de mon patrimoine génétique, ethnique, et culturel dans cette cité au travers de mes œuvres ? Pour ma part, en cet instant, j’étais « multiple », par mes origines, et « pluriel » par mes expressions et mes ressentis. Tout ce que je percevais dans notre monde du sensible me renvoyait à diverses cultures, comme si en moi coulaient toutes ces sensibilités. Dès lors, se pose le problème de leurs expressions. Devais-je les synthétiser en une écriture unique qui plairait à la norme, ou devrais-je laisser parler mon âme ? J’ai choisi la liberté, faire ce qui me porte, n’en déplaise à certains, le « Pluriel ». Je le redis encore aujourd’hui, j’étais et je suis dans la quête du devenir de « qui je suis ». Sans tenter de me rattacher à l’occidental esclavagiste puis colonisateur qui n’est pas moi, ni à l’Africain qui me ressemble, mais qui n’est pas non plus moi. Cette acceptation de ce que je suis : un jeune Guadeloupéen. Mais, il faut tout de même s’attarder sur le « d’où je viens » car, sans l'histoire, le présent est ambigu et l’avenir encore plus incertain. C’est de cette analyse succincte que j’ai pris le parti de m’affirmer dans le qui je suis pour comprendre mon histoire et bâtir mon avenir. C’est une approche qui semblerait vouloir dire que ce qui est fait est fait et qu’il faudrait oublier le passé pour avancer ensemble, comme on se l’entend si bien dire par les « citoyens du monde ». Mais, il n’en est rien ! Certes, personne aujourd’hui n’est responsable de ce qui s’est passé il y a 400 ans, mais nous serons tous responsables des conséquences de nos trous de mémoires dans les prochaines années.

Goodÿ – 08/08/2016

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